Le lendemain matin de mon embarquement sur le bateau de croisière transatlantique pour le Panama, j’ouvre les yeux à 7h pétantes — fait assez incroyable pour être souligné !
En réalité, si on avait conservé l’heure de la veille, il serait 8h du matin. Mais là, on a déjà reculé d’une heure. Cette nuit, je n’ai pas mis mes boules quiès. Parce que je flippais de ne pas entendre l’alarme si jamais elle se déclenchait !
Après m’en être mis plein la panse au spectaculaire buffet du bateau, je me dirige vers ce qui sera ma seule et unique « surprise du matin » — morning surprise comme ils disent —. Tous les nomades digitaux assistant au Nomad Cruise se rassemblent en face de l’écran où se font les conférences, et font des espèces de chorégraphies loufoques et complètement improbables. Un coup, on nous dit de marcher à « walk ! » — marchez—, un coup, on s’arrête dès on entend « stop ! ». Puis on fait l’inverse : marcher à « stop » et s’arrêter à « walk ». Puis, pour corser le truc, on nous rajoute des challenges comme dire son prénom, applaudir en même temps… Un jeu d’ivrognes, mais sobre — mais pas pour ceux qui n’ont pas encore décuvé d’hier.
Tout de suite après ça viennent les conférences. Il y en a trois, pour ce premier jour de croisière entre digital nomads. Je veux assister à toutes. La première est animée par une nana rondelette et sautillante, à la bonne humeur contagieuse. Elle nous confie sa bucket list : une liste de souhaits qu’elle veut réaliser dans sa vie. C’est un truc à la mode et, comme c’est à la mode, moi, ça me repousse quelque peu. Je comprends bien l’utilité de dresser une liste d’objectifs professionnels, ça oui : c’est une boussole, ça motive et ça donne des étapes essentielles pour éviter de se décourager. Mais des objectifs de vie ? De voyage ? Comme sa liste à elle ? Le concept me déroute. Après tout, qu’est-ce qu’on en sait, de ce que la vie nous réserve ? Perso, je laisse le vent me porter. Tout comme je permets à cette brise de plus en plus chaude de caresser mes épaules et mon visage quand je sors prendre l’air sur le bateau, après la première confé, le temps que la seconde se mette en place.
Mais arrive déjà la seconde conférence. Le fondateur du Nomad Cruise, un Allemand dégingandé, nous conte l’origine d’un tel concept et comment il en est venu à organiser, chaque année, une croisière transatlantique entre nomades digitaux proposé par sa boîte WebWorkTravel. Il nous explique comment voyager autour du monde en tant que nomade digital. Son discours est instructif mais omet une chose pourtant capitale… il fait miroiter les paillettes sans exposer les défaites. Et des défaites, il y en a. À la pelle. Pendant des années. Certains galèrent même toujours. Alors oui, il est là pour nous motiver. Mais parler du côté obscur permet aussi de dédramatiser, de se rassurer… alors pourquoi ne pas en souffler mot ?
Les nomades digitaux, auxquels j’appartiens, se taisent mais je sens que ça tourne, là-dedans. Tous, on s’est au moins cassé la gueule une fois. On connaît très bien ce chemin-là. Tout comme les défaites n’ont pas été évoquées, Johannes ne parle pas non plus des étapes pour arriver à un revenu — plus ou moins — régulier. De ce qu’il a fait, ce qu’il a foiré, et ce qui a marché. Dommage.
Un blogueur à qui je parle à la fin de la confé me confie même que le chef d’entreprise, de plus en plus gourmand, n’a inclus, contrairement aux précédentes croisières, aucune excursion dans le prix du billet. Qu’il a même rechigné, au début, à lui faire un prix spécial, et ce même si le blogueur en question lui avait, grâce à son blog, envoyé plein de clients. Est-ce vraiment fair-play ?
À la troisième confé, honneur à la digital business woman Stella Romana Airoldi qui a créé le site de bijoux africains en papier recyclé fait-main 22 stars. En visitant l’Ouganda pour sa thèse de Droit International, Stella est touchée par la situation des femmes Acholi et par leur incroyable talent pour créer des bijoux en papier recyclé. L’ethnie Acholi doit se sauver d’une situation économique et sociale catastrophique au Nord de l’Ouganda, à cause de la guerre. Ballotée, sans dignité, sans travail et sans aucune perspective d’avenir, elle n’a pas d’autre choix que de fuir. La salle est émue. Certains — dont moi — reniflent discrètement alors qu’on visionne le documentaire sur la situation du peuple Acholi, sur les enfants là-bas, et sur les actions que Stella a déjà entreprises. Stella nous vend ensuite quelques modèles de bijoux, tous plus magnifiques les uns que les autres. Impossible, pour qui que ce soit, de résister à l’achat. Ou comment, avec le solide bagage universitaire, le sens relationnel aiguisé et le sourire à faire déplacer les montagnes de Stella, et nos achats en pleine conscience et bienveillance, on crée un business social qui fait toute la différence. Pour moi c’est ça, le véritable esprit d’entreprendre.
Cette anecdote vagabonde est la suite de mon article où je te confie comment c’est, vivre sur un navire de plaisance.
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